Art du commun

28 avril, 2005

feux de la rampe

Je suis allée voir The Arcade Fire hier soir avec Marc, un gars rencontré par hasard dans un avion. Je pense que je n’ai jamais été aussi touchée dans un spectacle. L’ambiance était étrange dès le départ : la salle était en fait une salle de cinéma qui a dû être une salle de théâtre dans une autre vie. Les murs étaient décrépits, mais le plafond très haut. Les sièges rouges s’alignaient en demi-lune, et au balcon, la même chose. Tout le monde s’est assis, et nous avons acheté du maïs soufflé et une liqueur. Ainsi, l’attitude des gens était au départ celle d’une salle de cinéma, mais nous étions là pour vois de la musique.

Les deux premières parties étaient vraiment excellentes, et tous les musiciens passaient d’un band à l’autre. Il y avait Final Fantasy avec son violon et ses enregistrements complètement sautés. Puis Wolf Parade, avec la voix torturée du chanteur et pianiste. Lorsque Arcade Fire est monté sur scène, l’énergie de la salle était déjà à l’extrême. Nous nous sommes tous levés, et puis ça a commencé – j’avais envie de pleurer, des frissons me parcouraient le dos à toutes les 30 secondes, c’était comme un orgasme sans fin. Je ne voulais jamais que ça finisse. J’avais envie de crier et de sauter partout. Je ne pense avoir jamais connu un groupe qui, à chacun de leurs spectacles (sauf peut-être celui de la Sala Rossa il y a un an, qui était peu réussi et qui a commencé à 1h du matin) m’a fait ressentir quelque chose d’aussi spirituel. C’était une musique hors de contrôle, possédée, harmonieuse, mélodique et chaotique à la fois.

Ce soir je vais voir Caribou avec Marc, encore. Je pense que nous allons bien nous entendre, nous avons beaucoup ri hier. J’aime la distance qui existe entre nous. Et surtout j’aime savoir que notre relation (amitié naissante) est entièrement modulée par notre passion commune pour la musique, les concerts live. Je sais qu’il a une copine, il sait que je vois Chris, et la tension entre nous est beaucoup moins importante. Je ne me sens pas attirée envers lui, même si je ne pense pas qu’il soit possible d’avoir une amitié entre un gars et une fille sans aucune tension sexuelle ou séductrice. Je suis heureuse de l’avoir rencontré.

Je dois aller à Montréal demain pour une demi-journée, pour mon déménagement. Je vais y aller en train et je pense faire mes impôts là. C’est un moment tellement étrange à chaque année de devoir faire les impôts, comme si soudainement on redevenait citoyen.

27 avril, 2005

Semence à gazon soleil et ombre VIGORO 10kg

Contient du pâturin des prés, de la fétuque chevelue et de l'ivraie vivace pour produire un gazon épais et foncé.

21 avril, 2005

Peep show

Je suis de retour au travail ce matin, pour quelques heures avant mon départ pour Montréal. On aurait semble-t-il du travail pour moi. Ça devient réellement urgent parce que hier, quand j’ai quitté le bureau, je me sentais tellement inutile. J’ai voulu me remonter le moral avec un pédicure, mais il n’y avait plus de place pour la journée… Finalement je suis montée dans un tram jusqu’à Queen W., puis j’ai longé la rue, flanquée de boutiques et de galeries d’art. J’ai vu une expo inspirante, où l’artiste peignait d’étranges scènes de la vie de banlieue en lignes formelles très pures, tous les tons étaient de verts grisâtres et de blancs sombres. Et puis je me suis baladée lentement, en appréciant le paysage, les odeurs, les sons de cette nouvelle ville sous un ciel gris.
Après avoir mangé des dumplings tibétains dans un petit resto sympa (sauf pour la musique totalement new age – ils veulent endormir leurs clients ou quoi?), je me suis rendue au Harbourfront Center. J’avais acheté un billet pour voir le Peep Show project de Marie Brassard, au festival Flying Solo.

Cette femme m’impressionnera toujours. J’aime sa présence sur la scène, et sa façon d’explorer le « stream of consciousness », un peu comme Laurie Anderson l’a fait des les années 1980, 1990, et même encore aujourd’hui semble-t-il. La pièce était très sombre. Marie Brassard était au centre de la pièce, très noire, où il n’y avait qu’une petite chaise sur laquelle elle s’assoyait parfois. Elle avait un micro près de la bouche, et selon les personnages qu’elle incarnait, sa voix était transformée. La pièce s’ouvre sur elle, entrant en scène, vêtue simplement mais de façon très féminine. Lorsqu’elle ouvre la bouche, c’est une voix d’homme très grave qui en sort pour narrer l’histoire du petit chaperon rouge. Ensuite, les personnages et les bouts d’histoires s’enfilent un à un. Nous demeurons quelque dix minutes avec chacun d’entre eux, se laissant emporter par un bout de vie souvent dérangeant, souvent émouvant. Elle semblait si fragile et à la fois si solide sur la scène. Elle a parlé en anglais tout le long, et c’était étrange d’entendre cet accent dans la voix d’une autre, comme si il y avait un peu de moi dans elle aussi. À un moment, son personnage est une enfant, qui raconte comment elle avait un canard très intelligent, mais qu’elle ne voit plus parce qu’il est mort. Et Marie Brassard à ce moment précis s’est trompée… C’était si bizarre pour ceux qui pouvaient comprendre le français. Elle a fait ceci :

« I had a duck. He was very intelligent, but now I don’t see him anymore pasque… »

Et elle s’est reprise avec « because », mais je trouvais ça tellement étrange que c’est pendant qu’elle imitait un enfant que sa langue maternelle lui est revenue instinctivement. Et elle n’a pas dit parce que. Elle l’a vraiment prononcé pasque… Sa pièce était très touchante mais vraiment sombre.

Après, je suis allée attendre Kate dans le lounge, et j’ai encore regardé les photos de Scott Conarroe, qui me semblent toujours aussi fantastiques – et maintenant je sais que je pourrai encourager certains artistes à avancer dans leur travail. Enfin Kate est arrivée, et je l’ai un peu poussée à aller voir Laurie Anderson, parce qu’elle était vraiment gênée.

20 avril, 2005

Habemus papam

J’ai dormi à l’hôtel avec ma sœur hier. J’aime passer la nuit à l’hôtel, j’y dors vraiment bien. Jo était en ville pour le boulot. Mais cette escapade de deux nuits n’a fait qu’exacerber l’impression de passer ma vie dans une valise. D’une part j’aime cette incertitude, ce manque d’attaches, mais je pense que j’ai de plus en plus besoin d’un espace qui m’appartienne, qui soit bien à moi. Je ne sais pas encore quand je déménagerai puisque chris doit finalement se rendre à Québec le week-end du 30 avril. J’étais déçue quand il me l’a annoncé, ça a bousillé tous nos plans. Peut-être est-ce pour le mieux finalement.

Je suis encore au boulot à tuer le temps… J’ai écrit plusieurs courriels, dont celui-ci, échangé avec Caro ce matin, qui elle semble plus occupée que moi mais tout aussi insécure face à son emploi. Par chance, ici, je peux au moins écouter de la musique. Je redécouvre l’album Négresse blanche d’Arthur H. Quel musicien extraordinaire! J’adore l’enfilement de ses chansons, son humour et ses grivoiseries si saines, finalement.

Le courriel envoyé à Caro :

« On a un pape, tu as vu ça? Il s'appelle Benoît, mais en anglais son nom est Benedict, et le Globe and Mail titrait, en une, Benedict the Strict. J'ai regardé la télé hier, la rediffusion de son élection, et je me suis sentie assez émue. C'est assez rare de pouvoir assister à un événement tellement historique, et je me suis aussi sentie, en quelque sorte, propulsée dans le passé. Toute cette mascarade me semblait si carnavalesque - sauf que des milliers, des centaines de milliers de personnes étaient là pour accueillir ce pape, la soi-disant incarnation du fils de dieu sur terre. Pourtant l'église est tellement autarcique (autarchique?) et même tyrannique... ces événements me font réfléchir à l'absence de spiritualité dans ma vie, le manque de routine ou de discipline pour une activité d'introspection ou d'adoration. J'ai délibérément repoussé la tradition que m'avait offerte ma famille. Sans vouloir adhérer aux principes de l'église, je dois avouer que je m'ennuie de cet élément rassembleur des communautés. Par exemple, à Pâques, je suis allée avec mon père à la messe, et j'ai revu plusieurs personnes de mon enfance, des gens du quartier, de la communauté. Tout le monde se donnait des nouvelles sur le parvis de l'église, c'était très amical, et respectueux. Et pourtant, à part mon père et moi, j'ai remarqué au moins cinq autres personnes qui n'étaient pas allés à la communion. Dans mon cas, c'est que je ne veux pas adhérer à ce rituel un peu éculé qui doit soi-disant confirmer ma foi. Peut-être est-ce que plusieurs personnes sont du même avis que moi? »

19 avril, 2005

Tuer le temps

Je veux depuis déjà un moment mettre en ligne ce blogue mais je n’ai pas eu d’occasions de le faire avant aujourd’hui. J’espère ici documenter mes impressions de l’exil volontaire dans une nouvelle ville. Il y a deux semaines, j’ai quitté Montréal pour venir occuper un nouvel emploi à Toronto, dans le but avoué de faire de l’argent. Mais j’ai aussi voulu profiter de cette occasion pour découvrir une ville que les Montréalais aiment détester… Jusqu’à maintenant je n’ai subi aucune profonde déception. Je suis sortie, la ville propose des tonnes d’événements culturels, les habitants et mes collègues sont les plus accueillants, j’ai même rencontré plusieurs personnes qui parlaient français, qui voulaient profiter de ma présence pour pratiquer cette langue.

+++

Depuis que je suis ici, je vis de grandes déceptions au travail. Surtout…je n’ai pas de travail. Il est tellement étrange de devoir s’acharner à tuer le temps, à trouver des façons de le faire passer alors qu’autrement tant de personnes cherchent à en avoir plus… En naviguant un peu sur le net j’ai lu quelque chose de très, très drôle, sur le site de chris :

Je dois aller; j'ai beaucoup de travaillle à completer se soir pour le galerie Tiers Espace et puis je tellement besoin un douche; je suis puant, mais tout au moins je n'est pas le sent la corruption à plein nez. La gouvernement Liberal, c'est une sale affaire, non?

Ha ha, chris est vraiment trop drôle, il veut tellement pratiquer son français aussi… Et il réussit assez bien malgré tout, je pense que c’est vraiment quelqu’un de beaucoup de volonté. Mais il apprendrait sans doute mieux ou plus si on pouvait corriger ses lettres ensemble…