Art du commun

21 mai, 2005

les odeurs mélancoliques

Tyler s'est fait voler son vélo sur notre magnifique terrasse aménagée. Ça fait tellement de fois que ça m'arrive que je ne réagis parfois même plus, mais en réalité le vol est un chose difficile. Je m'imagine des gens, en train de rire, de monter nos escaliers, escamoter le vélo, puis prendre la poudre d'escampette, les jambes à leur cou.

J'ai passé la journée à faire du ménage. La semaine avait été longue et la présence de Mélysandre m'empêchait de me plonger dans mes papiers, dans mes pensées. Les meubles sont un peu plus en place, et j'ai bousillé tout un mur à essayer d'installer des tablettes - j'ai pourtant suivi à la lettre les directives du quincaillier!

Parlant de quincaillerie, j'ai remarqué, depuis que je suis arrivée à Toronto, que partout je retrouve des odeurs qui me rappellent le passé. Je vis beaucoup de moment mélancoliques à cause des odeurs, et j'ai toujours beaucoup de mal à définir l'effet qu'elles ont sur moi. Je pense depuis plusieurs années à écrire des textes qui seraient inspirés par certaines odeurs, mais je n'arrive pas à m'imaginer la forme qu'ils devraient prendre. On peut facilement tomber dans l'ésotérique quand on parle de quelque chose d'aussi volatile qu'une odeur

Par exemple, l'odeur des quincailleries me fait penser à mon père, instinctivement, qui m'emmenait avec lui au Canadian Tire presque tous les samedis. J'aimais la rangées des vis et des clous, puis quand je relevais les yeux, je le voyais, son pantalon dans ses grosses bottes détachées, son grand portefeuille noir à moitié sorti de la poche arrière de son jean, un t-shirt en coton bleu taché de terre, peser le pour et le contre de tel ou tel outils. L'odeur des quincailleries me rassure. Si on est dans une quincaillerie, on n'est jamais à court de ressources.

Cette semaine il y a eu aussi l'odeur de la buanderie. Un mélange de savon, d'assouplisseur de tissu et de chaleur de sécheuse. Dans cette buanderie les laveuses sont bien alignées le long du mur, blanches. La salle est vide, sauf quand un autre client vient faire passer sa lessive de la laveuse à la sécheuse. L'odeur de cette buanderie me rappelle les voyages, quand, après quelques semaines de déplacement, je vidais mon grand sac à dos qui sentait l'humidité et le linge sale. Puis, je me prenais tout une après-midi pour faire du lavage. Ça me forçait à m'arrêter, à ne rien faire, à profiter du soleil, à écrire, à penser…
Au Home Depot, où je travaille, les bureaux sont encore neufs. L'odeur qui nous prend au nez en sortant de l'ascenseur est celle du tapis neuf et de la colle, ce qui me fait penser à l'odeur de l'hôtel où nous logions, pendant la formation d'Air Canada. La même odeur flottait dans l'air quand nous rentrions des cours, à 3 ou 4h du matin.