Art du commun

04 mai, 2005

Illsad Island

Mercredi, au boulot comme d’autres fois. Les derniers jours ont été extrêmement mouvementés et je ne retombe que lentement sur mes pieds. Le déménagement a été ardu et j’ai été chanceuse d’être entourée d’Eric, Rudy et Braiden sans qui j’aurais à coup sûr paniqué comme une poule sans tête. Mais leur sens pratique, leur côté très terre-à-terre m’a permis d’être plus calme. Les choses pour moi se sont gâtées après leur départ, dimanche après-midi. En plus de me sentir seule, complètement épuisée et malade, tout le stress des semaines précédentes a éclaté en moi. J’ai passé les 2 derniers jours à pleurer, les larmes coulaient de mes yeux sans que je puisse y faire quoi que ce soit, j’arrivais même à rire entre trois ou quatre gouttes mais elles roulaient imperturbablement sur mes joues, dans ma bouche, le long de mon cou. J’ai pleuré avec Mohanad, j’ai pleuré avec Tyler, j’ai pleuré au téléphone, à vélo, dans le café Internet, à la buanderie, à l’épicerie… Mais comme le dit Janine, au moins je me donne le temps et la liberté, en quelque sorte, de vivre ces émotions fortes. En fait Janine avec sons sens de l’humour bien particulier a plutôt dit ceci :

« Sorry to hear you’re not feeling well, in body and heart (and nasal cavity). It sounds like you’re giving yourself the time to adjust to all this newness though, which is good. Change is hard on a person, and you’ve got a lot of it going on! ( I like to think about that doctor I saw last year who used the expression “that’s a big, big shit there!”. With her good intentions in mind I say to you, verily, yours is a big big shit!) »

Ce qui m’a bien fait rire.

En plus de toutes ces émotions, Chris et moi avons eu à traverser notre première chicane. J’ai été très touchée (blessée, fâchée?) qu’il ne soit pas venu à Toronto pour le weekend de mon déménagement… Surtout sachant qu’il passait la fin de semaine à Québec pour le vernissage de la Manif d’art. Bien entendu il s’est amusé comme un fou, il a bu, il a flirté avec les filles, il en a même embrassé plus d’une. Je n’ai pas voulu en savoir plus. J’étais jalouse et fâchée et triste de ne pas avoir été là. J’étais déboussolée que Jen l’ait accompagné, qu’elle ait dormi dans son lit. Jen… qui ne peut rien faire vraiment face au désarroi que je vis. Elle semble m’avoir remplacée dans ma propre vie : elle vit dans mon appartement, elle utilisait mon vélo, elle sort avec mon copain. J’ai beaucoup de mal à laisser aller mon autre vie et chaque jour je me demande si la décision que j’ai prise était la bonne. La distance que j’ai créée avec Chris me fait réaliser que j’aimerais être plus proche de lui et que j’ai eu tellement peur de me donner, de me lancer dans les émotions fortes de notre relation. J’ai eu du mal à lui faire confiance, ayant toujours peur qu’en me donnant il se retirerait. Mais Chris, lui, me dit que c’est justement cette distance que j’imposais entre nous qui le faisait rester sur ses gardes, toujours paré à devoir accuser dans le ventre un « je te quitte » froid et direct. Je pense ne lui avoir donné que très peu de matière à croire que notre relation pourrait se poursuivre longtemps. Il viendra ce weekend, et nous voulons passer chaque minute ensemble pour savourer le plaisir que nous avons à partager le quotidien.

J’ai hâte de mieux m’installer mais je le fais doucement avec prudence. J’ai plusieurs idées sur la façon dont je veux aménager ma chambre et j’espère que je pourrai mettre les éléments de création au centre de la pièce. J’aime l’appartement, je m’entends assez bien avec Tyler et Mo. Ils sont de bien drôles de moineaux. Tous les deux sont dans une phase quelconque de recherche spirituelle et de prise de contact avec le corps. L’alimentation et le bien-être du corps sont au centre de nos discussions. Nous parlons d’étirements, de yoga, d’entraînement, de la valeur nutritive de tel ou tel aliment… Il manque parfois d’humour, de cynisme et d’ironie dans nos échanges.

Mais somme toute, j’aime bien ce style de vie très sain et je pense que leur présence m’aidera à demeurer équilibrée, surtout au niveau de la nourriture. J’ai toujours eu une relation assez équivoque avec l’alimentation, et pendant longtemps, sans pouvoir m’arrêter de manger, je ne pouvais pas non plus concevoir l’idée de garder la nourriture dans mon corps. C’est réellement une forme de contrôle que l’on exerce sur soi, et j’en suis venue à créer une dépendance à cette forme de contrôle, le reste de ma vie étant tributaire de tant d’autres facteurs. J’ai toujours raconté énormément de choses, je n’avais aucune honte ou aucun gêne (dans une certaine mesure – hm, peut-être cela est-il faux) à parler de mes émotions ou des choses intimes. Mais ça, c’était tellement répréhensible aux yeux des autres que je savais que je ne pourrais jamais en parler. C’était une façon de conserver en moi-même un espace absolument et intrinsèquement intime, où personne ne pénétrerait. J’espère que cela est terminé et en effet, la vie avec mes 2 spirituels m’aidera, j’en suis sûre, à mieux gérer et à mieux accepter, comprendre peut-être, ce qui autrement m’avait tellement fait défaut. J’ai aussi choisi de laisser la porte de ma chambre fermée autant que possible. Cet appartement est assez grand mais les lieux intimes et personnels y sont rares. Ma chambre sera mon havre. J’y ferai dessin et photo, traduction et écriture. D’ailleurs j’espère écrire plus régulièrement sur ce blogue lorsque notre connexion internet fonctionnera. Cela me permet d’une part d’écrire, ce que j’adore, mais d’autre part de parler de moi sans avoir honte d’être aussi égoïste, pour un moment, et enfin je garde de cette façon le contact avec ma langue, celle qui me fascine et qui me stimule. Parce qu’ici, c’est sûr, l’anglais prédomine… D’ailleurs, hier, dans une petite boutique très mignonne sur ma rue (j’adore mon quartier!!), une femme m’a demandé d’où venait mon accent… Elle me croyait russe ou irlandaise!

Ah, quel bonheur d’écrire! Je me sens soulagée de tant de pression, de tensions…

J’ai vu les commentaires de caro à la suite de l’entrée précédente. C’est un peu bizarre de penser que j’en parle et que, peut-être elle lira ceci. Elle m’a fait un tarot, c’est étrange, mes tarots semblent toujours très positifs quand elle me tire. Est-ce réel? Est-ce une interprétation? Caro est un peu comme une sorcière dans ma vie, une bonne sorcière, dont l’esprit rôde toujours autour de moi. Quand je pense à elle je la sens là, toujours un peu en retrait, comme un œil bienveillant. Nous avons parlé, vendredi, pendant mon déménagement, de la jalousie que l’on éprouve parfois dans les relations. La jalousie envers d’autres personnes…. Puis elle a parlé de la jalousie qu’elle éprouvait parfois face à l’écriture de Dom. Ça m’a fait drôle de l’entendre dire ça. Parce que moi, j’ai toujours éprouvé une forme de jalousie qui se transformait en honte face à sa création : le dessin, la photo, l’écriture. Je crois cependant que je suis ailleurs maintenant, et que nos vies, parallèles, ont pris des tournants bien distincts, ce qui, selon moi, permet à notre relation d’évoluer de façon vraiment saine.

Je viens de décrocher un méga contrat de traduction d’un site web. Je pense que ce sera amusant et payant.