Art du commun

28 mars, 2005

Avant de partir...

Ce message a été rédigé le 28 mars 2005, à Montréal

Il y a deux semaines, j’ai eu l’idée insensée d’accepter une offre d’emploi à Toronto. EN ONTARIO! Qui l’eût cru… Disons que les conditions étaient excellentes, et que ce salaire je n’en aurais pas vu la couleur à Montréal, pas à trois jours semaine. Plusieurs personnes de mon entourage m’ont demandé qu’est-ce que j’allais foutre en Ontario, à Toronto par-dessus le marché, à tel point que je me suis rendu compte que les Québécois adorent toujours détester les Anglais en général, et les Ontariens en particulier. Ça doit être une question de gênes ou quelque chose. Enfin, je me suis que ce serait une excellente idée de commenter mon passage au Kénédé au quotidien afin d’explorer, anthropologiquement parlant, ce creux de vague culturel, de sonder l’âme et l’esprit de nos voisins de l’ouest! Le Fart Ouest. Le phare Ouest.

Mettons.

Évidemment, à Toronto, ils sont tous « thrilled », et trouvent ça vraiment « wonderful » de se faire une francophone. J’ai commencé à faire mes boîtes. Crisse que c’est chiant déménager. Il y en a pour qui c’est une affaire de rien, mais moi vraiment, je déteste ça. C’est le bordel dans mon 3 et demi sur de la Roche, et puis le proprio me fait des misères pour la sous-location. Les changements d’adresse : l’enfer vivant. C’est une question de logistique, un déménagement en douceur, et malheureusement j’ai dû manquer d’air à la naissance parce que cette caractérististique, c’en est désolant, semble me faire défaut.

J’ai donc très hâte d’aller chez les Anglais, mais sincèrement, j’ai un peu peur de cet emploi. Oui certaines conditions sont bonnes, mais ne vais je pas m’atrophier le cerveau à corriger des circulaires pour des clients chez qui je ne vais même pas magasiner PAR PRINCIPE. Je n’ai aucune éthique : il se peut que j’aie à faire des traductions pour – pour – j’ai honte de le dire, alors je l’appellerai l’entreprise des hamburgers au poumon (en l’honneur de ma sœur et du célèbre Chef. Ils se reconnaîtront). Mais la question qu’on doit se poser avec philosophie : avons-nous le luxe d’être éthique en ce bas monde? La réponse je la connais et elle est oui. Bien entendu, of course. Mais je dois en arriver à l’évidence : j’ai envie d’avoir un logement à moi un jour, un char pour aller faire du camping, et je veux voyager. Et toc, motus à bouche. Ça finit là. Je me paierai le luxe de l’éthique lorsque j’aurai ma propre compagnie. En attendant pour l’exercice mental professionnel, on repassera, je devrai me satisfaire de Homi. J’ai l’intention de te publier un jour, être intellectuel suprême (je ne suis pas certaine de toujours savoir de quoi tu parles non plus. Mea culpa, je suis une imposteure).

Il y a des choses qui me scandalisent dans la vie et dans la langue française, et l’une d’elles est de découvrir, à mon grand dam, qu’il n’existe pas de féminin pour certains mots. On dit un imposteur. Cette femme est un imposteur. On dit aussi UN vainqueur. Cette femme est un vainqueur. Quelle colonisation de l’esprit par les hommes.

Hier c’était Pâques. Dans un élan de nostalgie, j’ai demandé à mon père pour qu’on aille à la messe ensemble. Je m’ennuie parfois du côté rassurant de la spiritualité. Je me disais que j’étais contente que mon père m’ait emmenée à la messe tous les dimanches quand j’étais petite. Il y a quelque chose de tellement mystique avec le culte. Même si j’ai arrêté de croire en dieu, et que je n’ai jamais tellement aimé la religion catholique, il y a ce je ne sais quoi qui m’attire dans les églises, l’odeur de l’encens et le silence des pas sur le parvis. Les regards qui se croisent, les salutations polies entre voisins. Le fait de se rassembler dans un lieu fermé pour célébrer une croyance m’a aussi semblé étrange depuis ma petite enfance. J’imagine que l’on doit simplement accepter de croire (ce qui est en soi contradictoire). Enfin, on est allés à la messe dimanche, et la messe était exactement la même que l’an dernier. Sur le mur, on projetait les paroles des prières et des chansons, et lorsqu’on ne chantait pas, il y avait une photo de Jésus, qui ressemblait étrangement à un surfeur australien dans une annonce de dentifrice blanchissant. Assez divertissant. J’ai aussi remarqué que les femmes qui chantent à la messe semblent toujours adopter un ton de voix très élevé. Ma question existentielle du jour : faut-il avoir une voix nécessairement haut perchée pour chanter à l’église des choses telles :

Pions le Seigneur, le Seigneur,
Prions le Seigneur, nous croyons en lui
Seigneur Seigneur…

dans toutes les tonalités de la gamme de si bémol mineur possible???

Mieux vaut m’y faire…S’il y a une chose que j’abhorre des Anglais, c’est ça : le ton de voix strident des filles qui parlent et hurlent en lançant une quelconque insipidité. Faut-il nécessairement avoir une voix haut perchée pour être une Anglaise?